Après deux articles sur les femmes ingénieures dans l’Histoire, nous souhaitions mettre en lumière quelques noms d’ingénieurs illustres. Nous n’allons pas vous le cacher, les exemples ne manquent pas, tant l’ingénierie s’est longtemps conjuguée au masculin. Nous en avons toutefois sélectionné trois qui, selon nous, incarnent chacun à leur manière une page importante de cette belle aventure.

Léonard de Vinci, la figure archétypale du génie ingénieur

Léonard de Vinci est né le 15 avril 1452 en Toscane, dans le petit village de Vinci. Il est le fils illégitime de Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, et d’une certaine Caterina qui, selon les historiens, était soit une orpheline venue du Moyen-Orient, soit la fille de petits agriculteurs.
Rien ne destinait donc le jeune Léonard à devenir l’emblème de l’Esprit de la Renaissance. Pourtant, il fait preuve, très tôt, d’une vive intelligence, voire de dons intellectuels hors du commun.
Bien qu’illégitime, son père entend développer les talents de son enfant, notamment son goût pour la peinture. Léonard ne pouvant prétendre aller à l’Université du fait de son statut de bâtard, il entre précocement, par l’entremise de son père, dans l’atelier du célèbre peintre Verrocchio. Ce ne sera que le début d’une merveilleuse aventure pour le petit prodige.

Un esprit universel

Il nous est difficile de définir Léonard de Vinci tant ses talents sont multiples. Tout à la fois peintre de génie, philosophe et humaniste, il était également inventeur, architecte et ingénieur. Il incarne ce que l’on nomme un « Esprit Universel » à la Renaissance, figure d’Épinal de la sagesse d’alors.
Nous ne reviendrons pas, dans le cadre de cet article, sur l’œuvre du peintre qui fut immense tant par sa profusion que par sa renommée. Notons toutefois que, dans cette sphère aussi il se montra innovant, s’essayant à de nouvelles techniques (comme la peinture à l’œuf) ou retravaillant des techniques anciennes, avec plus ou moins de succès (comme la peinture à l’encaustique, très largement utilisée par les romains, mais que De Vinci n’a jamais réussi à maîtriser). Nous souhaitons en effet jeter un éclairage sur une facette moins connue, mais non moins géniale, de Léonard : son esprit scientifique et ses inventions prospectives.

Un ingénieur très en avance sur son temps

Très jeune, il montre en effet un goût affirmé pour l’ingénierie. En 1478 il propose de rehausser l’église de Saint Jean de Florence, de forme octogonale, ce qui ne pouvait s’envisager avec les techniques d’alors. Il est nommé ingénieur ducal par les Sforza.
De 1489 à 1494, il projette de réaliser une majestueuse statue équestre en bronze pour Francesco Forza. Il la conçoit articulée et en mouvement, mais ne peut aller au bout de son projet car il apparaît comme trop complexe.
Durant les années 1490, Léonard multiplie les projets très en avance sur son temps. Il s’investit dans l’amélioration de techniques militaires, dans le perfectionnement de l’horlogerie, dans le développement des grues et dans les métiers à tisser. Bien qu’il nomme la guerre la « pazzia bestialissima », la « folie sauvage », il s’appuie sur le penchant militaire des souverains pour conduire ses travaux.

Des inventions empruntées à d’autres et souvent irréalistes

Il développe même des prototypes qui rencontreront de grands succès dans les siècles à venir tels qu’une ébauche d’avion, d’hélicoptère, de concentration d’énergie solaire, ou encore de scaphandre.
Ces idées ne sont toutefois pas nées de rien. Ce génie de la Renaissance les a en effet, pour la plupart, empruntées à d’autres et améliorées. Le bateau à roues à aubes date à ce titre du Ve siècle puisqu’on l’utilisait déjà sous la dynastie des Song. Le char d’assaut, le sous-marin ou les scies hydrauliques se trouvent dans les carnets de Taccola, un autre ingénieur qui, lui-même, les avait empruntés à des penseurs du Moyen-Âge.
En outre, bien qu’il les ait développées, Léonard de Vinci n’est pas toujours parvenu à faire de ces inventions un succès. Ainsi, son hélicoptère se serait envolé comme une vis sans fin, son parachute n’aurait pas pu faire son office et le scaphandrier n’aurait pas pu survivre.

Un héritage encore vivace en ingénierie

Parmi toutes les inventions que nous devons à Léonard de Vinci, nous pouvons citer : une machine mécanique à carder et à tondre, des pompes hydrauliques, une machine à tailler les vis à bois, une machine à polir les miroirs, un canon à vapeur, des barrières mobiles pour protéger les villes, des systèmes d’irrigation, le roulement à billes ou encore des flotteurs. Toutes ces inventions sont encore vivaces aujourd’hui ou ont inspiré nos inventions modernes.
En 1502, il proposa même au Sultant Bayezid II d’Istanbul un plan de pont enjambant le Bosphore. Le projet ne connut pas de suite, alors que le MIT a prouvé en 2019 qu’il était tout à fait réaliste. Enfin, il inventa la soufflerie aérodynamique qui influera grandement sur la suite des travaux d’ingénierie.
Il s’éteint le 2 mai 1519 à Amboise, après 67 ans d’invention et de création qui éclairent encore notre quotidien et notre culture.

Alan Turing, l’ingénieur qui a craqué Enigma

Alan Turing est né à Londres au début du siècle dernier (1912). Très jeune, il montre des dispositions intellectuelles exceptionnelles. L’on raconte qu’il apprit à lire, seul, en trois semaines seulement. Âgé d’un an à peine, il est éduqué par un couple d’ami de ses parents, ses derniers étant partis en Inde pour la carrière de son père. Ils n’en reviendront qu’en 1926.

Des études brillantes en sciences mais non valorisées

L’esprit d’Alan est résolument tourné vers les sciences quand la société d’alors ne prône que les Lettres et les Humanités. Dès lors, sa scolarité ne se déroule pas sans accros alors que l’on aurait pu penser que les Universités anglaises lui ouvriraient grand leurs portes. Il n’en fut rien. Il échoue à plusieurs reprises à ses examens et se voit refuser l’entrée au Trinity College.
Pourtant, dès l’âge de 16 ans, il comprend les conséquences des travaux d’Einstein en ne lisant qu’un texte de vulgarisation. À partir de 1931, il étudie les mathématiques à King’s College et, en 1935, il obtient une bourse de thèse grâce à une démonstration du théorème de la limite centrale.
Il obtient son Ph. D. à Princeton trois ans plus tard. Il y présente une première version de ce que l’on nommera la Machine de Turing, pouvant étudier des problèmes qui ne pouvaient pas être résolus de façon uniquement algorithmique.

Une invention qui changea le cours de la guerre

Durant la seconde guerre mondiale, Turing a travaillé dans une unité de recherche secrète en vue de craquer le système de chiffrage allemand « Enigma », réputé jusqu’alors inviolable.
Dès les accords de Munich de 1938, le gouvernement anglais l’invite à suivre le programme de cryptanalyse à la Government Code and Cypher School. Au début de la guerre, il intègre la cellule spéciale de l’école à Bletchley Park.
Il y améliorera les systèmes de déchiffrage ébauchés par les Polonais et les Français (il rencontre les services secrets français à la fin de 1939) et parviendra à créer une machine électromécanique pouvant déchiffrer les communications codées d’Enigma. Selon certains spécialistes, les travaux de Turing auraient raccourci la guerre de deux années et auraient permis aux Alliés de reprendre l’avantage.

La naissance du premier ordinateur

Au sortir de la guerre, Turing n’arrête pas ses travaux. Il rédige, fin 1945, le projet d’un premier ordinateur qu’il appellera l’ACE (Automatic Computing Engine). Il abandonne pourtant le projet deux ans plus tard, n’arrivant pas à s’entendre avec les ingénieurs du National Physical Laboratory avec lesquels il travaille.
Il est toutefois rappelé en 1948 et invité à travailler sur le développement du Manchester Mark I, le tout premier ordinateur à être industrialisé.
Parallèlement, il explore les voies de l’intelligence artificielle et tente de définir si une machine peut avoir une conscience ou non. Il mettra au point une expérience, aujourd’hui appelée « test de Turing », pour y parvenir. En 1952, il met au point un programme de jeu d’échec qui préfigure les programmes actuels.
Alan Turing décède en 1954, empoisonné à l’arsenic dans des circonstances assez floues. Jugé deux ans plus tôt pour atteinte aux bonnes mœurs du fait de son homosexualité, il avait opté pour la castration chimique pour éviter la prison. Ce traitement a beaucoup altéré son état physique et sa santé psychique. De fait, il est possible que Turing se soit suicidé, même si la thèse de l’accident soit également plausible.
En 2013, la Reine Elisabeth le gracie à titre posthume et le reconnait comme un héros de guerre.

Elon Musk, l’ingénieur qui regarde vers Mars et au-delà

Né le 28 juin 1971 à Pretoria d’un père anglo-sud-africain et d’une mère canadienne, Elon Musk est l’ingénieur le plus connu de notre époque contemporaine. Il crée son premier jeu vidéo à l’âge de 12 ans et démontre, très jeune, une grande curiosité et une vivacité d’esprit exceptionnelle.

Des études brillantes

Tout juste âgé de 17 ans, il décide de quitter son pays natal pour les États-Unis. Grâce à la nationalité de sa mère, il ira d’abord au Canada où il étudiera l’Administration jusqu’en 1992. Il financera ses études par des petits boulots. Il partira ensuite aux États-Unis pour étudier la physique et l’économie. Il obtiendra son diplôme en deux ans au lieu de trois et restera un an de plus pour se perfectionner en physique.
En 1995, il obtient une bourse pour mener un Ph. D. en physique énergétique mais prend alors conscience du potentiel d’internet et décide de suspendre sa formation deux jours plus tard pour lancer sa société.

Un début de carrière fulgurant

Il fonde Zip-2 avec son frère qu’il revendra quatre ans plus tard pour un montant de 341 millions de dollars. En 1999, il crée une banque en ligne, X.Com, et rachète l’entreprise PayPal en 2000. Il la revend à EBay en 2002 pour 1,5 milliard de dollars (il en encaissera 180 millions). Dès 2002, il ambitionne de concurrencer la NASA en lançant SpaceX, la première entreprise privée à envoyer des hommes dans l’espace. Son but est de pouvoir réutiliser les premiers étages des engins spatiaux afin d’abaisser les coûts de lancement et de pouvoir envoyer une colonie de plus d’un million de personnes sur Mars. En novembre 2020, SpaceX envoie quatre astronautes sur la station spatiale internationale.

Une volonté de lutter contre le réchauffement climatique

Souhaitant œuvrer contre le réchauffement climatique, Elon Musk entre au capital de Tesla en 2004, puis prend sa direction en 2008. Après la sortie de différents modèles de voitures électriques, il lance la Tesla Model 3 en 2018, un modèle beaucoup plus accessible que les précédents. Malgré de grandes difficultés financières en 2008, Tesla a vite remonté la pente et a très largement contribué à l’augmentation de la fortune colossale d’Elon Musk en 2020, le propulsant durant quelques jours au rang d’homme le plus riche du monde.
Toujours dans l’idée de lutter contre le réchauffement climatique, il propose en 2015 le projet Powerwall. Il s’agit d’un système de batteries au lithium, pouvant recouvrir les façades des immeubles et alimenter notre consommation domestique avec de l’énergie solaire ou éolienne. Elon est également Président du Conseil d’Administration de SolarCity qui fournit des produits photovoltaïques.
Par ailleurs, ses divers travaux dans le domaine de l’intelligence artificielle en Open Source (Open Ai) des implants cérébraux (Neuralink), ou encore de l’aménagement des villes (The Boring Compagny), prouvent que ce touche-à-tout n’a pas fini de révolutionner divers secteurs de l’ingénierie.

 

Nous espérons que ce petit tour d’horizon de personnalités d’ingénieurs au masculin saura vous inspirer et vous prouver une fois de plus que ce secteur est sans limite pour ceux qui souhaitent influer à leur manière sur le monde de demain, voire l’inventer !

Puissance Alpha - le 15/06/2021

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